La neuro-cosmétique peut-elle améliorer le bien-être et les émotions ?

À cause de la crise sanitaire liée à la COVID-19 que nous venons de traverser, le niveau de stress a beaucoup augmenté. Déjà en 2019, 3 personnes sur 4 dans le monde déclareraient être stressées ou anxieuses (1). De manière encore plus surprenante, une étude publiée en 2016 montre que 20% de la population française avait des problèmes de peau (2). Cette étude montre également que la moitié des personnes qui souffrait de problèmes de peau avaient également des problèmes d'anxiété et de dépression. Cela illustre clairement qu’il existe un lien assez entre la peau et les émotions.

D'autres études montrent qu’une femme européenne sur deux a tendance à choisir des produits qui réduisent l'anxiété et le stress ou qui l’aide à se relaxer (3). Aux États-Unis, 6 femmes sur 10 affirment que la recherche du bien-être est devenu leur priorité depuis l’apparition de la COVID-19 (4).

Toutes ces études montrent qu'il y a une réelle opportunité pour les formulateurs en particulier et pour l'industrie en général de « surfer » sur les bienfaits des neurosciences pour formuler des produits visant l'amélioration du bien-être. Commençons d'abord par comprendre ce que l'on entend par « neurosciences » et ensuite comment fonctionne le binôme cerveau/émotion.

Les neurosciences visent à mieux comprendre la structure du système nerveux qui comprend des organes comme le cerveau, l'estomac, les intestins et la peau et son fonctionnement à travers des messages neurologiques et des récepteurs présents sur ces organes. 

Les neurosciences comme la psychologie ont d’abord cherché à comprendre et à traiter les états d'esprit « négatifs » comme la dépression et l'anxiété. Par exemple, on a fait beaucoup appel à la psychologie pour soigner les soldats qui revenait terrifiés par leur expérience des combats pendant la première et de la seconde guerre mondiale

Se détournant du rôle exclusif de traitement des traumatismes, la profession s'est tournée récemment vers la compréhension et même vers l’amélioration des émotions positives et du bien-être. Ceci a entraîné une évolution des neurosciences vers un côté plus ludique et plus pratique. De nouvelles applications ont ainsi été trouvées dans des domaines « non-médicaux » comme les compléments alimentaires, les parfums et bien sûr les cosmétiques.

Avançons pas à pas dans le domaine complexe des neurosciences et, dans un premier temps, essayons de comprendre la différence entre humeur et émotion. Les émotions sont généralement brèves et liées à des événements spécifiques.

Parmi ces émotions, on trouve le dégout, la peur, la colère, la joie et la tristesse. Ces émotions sont généralement accompagnées de changements physiologiques dans notre corps et de modifications de nos expressions et de notre état psychologique. Les humeurs, qu’elles soient positives ou négatives, durent généralement plus longtemps. Elles sont plus vastes et ancrées plus profondément en nous. Comme les humeurs ne sont pas reliées à des changement d’expression spécifiques, il est plus facile de mesurer les émotions que les humeurs.

Lorsque vous appliquez un produit cosmétique sur la peau, vous vous attendez à percevoir l’effet qui est revendiqué par ce produit : hydratation, effet apaisant ou anti-âge. Le cerveau va immédiatement prendre le relais en recueillant et analysant les sensations perçues lors de l'application du produit. Il va créer une émotion qui aura bien sûr un impact sur notre bien-être. Il faut noter que cette émotion, soit-elle positive ou négative, peut à son tour influencer l’état de la peau par l’intermédiaire de signaux chimiques qui sont envoyés directement dans la peau.

Au niveau chimique, une émotion positive peut par exemple augmenter le niveau des béta-endorphines qui sont des hormones connues pour avoir un effet positif sur la peau comme l’accélération de la cicatrisation. Au contraire, des émotions négatives peuvent augmenter le niveau de certaines hormones de stress comme le cortisol qui stimule les mécanismes l’inflammatoires.

L’information sensorielle générée par l’application d'un produit cosmétique sur la peau va d'abord arriver au thalamus un endroit du cerveau qui collecte toutes les informations sensorielles. Ces données sont ensuite être communiquées aux différents aires corticales comme le cortex visuel et le cortex auditif.

Ensuite le voyage émotionnel se poursuit vers une aire du cortex sensoriel qui fait la synthèse de toutes ces informations. C'est le procédé qui permet au cerveau de définir et de percevoir ce qui est à l'origine du signal sensoriel c'est à dire l'application du produit cosmétique ou du parfum. C'est un procédé très lent.

Parallèlement à cela, le thalamus envoi ces informations à l'amygdale qui est située sous le cortex, dans une région profonde au centre du cerveau. C'est cette région qui génère et contrôle les émotions.  Elle est totalement déconnectée de la conscience. C'est là que le traitement émotionnel de l'information est réalisé.

Le traitement de l’information par l'amygdale est très rapide comparé au mode de fonctionnement du cortex sensoriel qui est plutôt lent. L'amygdale a donc le temps et le pouvoir d’influencer la façon dont le cortex va interpréter les informations sensorielles.

Dans une étude récente (5), une image joyeuse a été montrée à un panel de personnes à qui on offre ensuite une boisson. Au même moment dans une autre pièce, on montre une image plutôt triste à un autre groupe de personnes à qui on offre la même boisson. Les résultats de l’étude montrent que le groupe exposé à l'image « joyeuse » donne une appréciation plus positive de la boisson que le groupe exposé une image triste.  Ceci illustre parfaitement le fait qu’une émotion peut influencer la façon dont on perçoit les choses !

Le parfum est une belle illustration de l'impact des ingrédients sur les émotions. La fraîcheur d'un parfum est souvent liée à la présence de notes volatiles dans sa formule. Un vêtement lavé avec un détergent contenant un parfum frais sera perçu comme plus propre (donc plus satisfaisant) qu’un vêtement lavé avec le même détergent formulé avec un parfum moins frais.

Ceci illustre qu’en choisissant les bons ingrédients dans votre formule vous pouvez tenter de stimuler des émotions positives chez la consommatrice. En effet, les récepteurs sensoriels situés dans le nez sont capables capter les notes volatiles d'un parfum. À la fin, ceci créera un message émotionnel positif dans le cerveau comme une sensation de bien-être ou un éveil des sens.

Les formulateur peuvent ainsi capitaliser sur leur connaissance dans le domaine des neurosciences pour améliorer les produits cosmétiques qu’ils créent. Si on prend en compte les émotions quand on crée un produit, la valeur ajoutée sera sans doute d'augmenter la chance que le produit connaisse un succès commercial.

Les neurosciences peuvent également intervenir dans d’autres applications comme la création d’une signature sensorielle d’un produit, le positionnement de ce produit dans un univers concurrentiel en vue d’un lancement ou une meilleure compréhension de la satisfaction client.

Nous sommes encore aux prémices de ce domaine fascinant, à la fois vaste et très « tendance ». Que de choses sont encore à découvrir sur les mécanismes de création des émotions et sur l'impact qu’elles peuvent avoir sur la perception de l'efficacité des produits, particulièrement en cosmétique. Dans le prochain article, nous naviguerons à l'intérieur de la peau pour identifier quels sont les messagers et les récepteurs impliqués dans la création et la transmission des signaux sensoriels.

Nous nous intéresserons également aux différentes façons d'identifier et de mesurer les émotions. Notre but ultime et d’aider les formateurs comme vous à intégrer les neurosciences dans les grandes étapes de création d’un produit, par exemple quand vous déterminez des mécanismes d'action, quand vous voulez faire des revendications sur l’efficacité ou quand vous positionnez votre produit sur le marché.

Le client final vous gratifiera alors de lui avoir fait vivre une nouvelle expérience sensorielle visant à améliorer son bien-être.

Pour en savoir plus, continuez à nous suivre !

Références :  

1) Source: Global Data, Q3 2019 

2) Votre peau a des choses à vous dire, Pr Laurent Misery, Larousse, 2019 

3) Source: Lightspeed/Mintel, base: France, Germany, Italy, Spain: 2,000 internet users aged 16+ in each country (2019) 

4) Source: Lightspeed/Mintel: base: US: 2,000 internet users aged 18+, Jul 28-Aug 4, internet users aged 18-49 who have bought clean beauty and personal care products in the last six months 

5) Skin, brain and emotion: the challenges of the holistic approach, Dr Arnaud Aubert, conference given at the International Cosmetic Symposium (digital edition) organized by the French Cosmetic Society, Paris, December 3 and 4, 2020